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Urbanisme

Infraction d’urbanisme : point de départ du délai imparti par le juge pour effectuer des travaux de mise en conformité (Cass. Crim., 8 novembre 2016, n°15-86889)

Par Sandrine FIAT2 janvier 2017Pas de commentaires

Lorsque le juge pénal relève une infraction aux dispositions d’urbanisme, il lui appartient de statuer, soit sur la mise en conformité, soit sur la démolition des ouvrages en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur (Article L. 480-5 du Code de l’urbanisme).

Aux termes de l’Article L. 480-7 du Code de l’Urbanisme, le Tribunal impartit au condamné un délai pour l’exécution de ces mesures, le cas échéant sous astreinte, pouvant aller jusqu’à 500 euros par jour de retard.

Afin de permettre la bonne exécution de ces injonctions, le juge doit fixer le point de départ du délai dans sa décision, à peine de méconnaître les dispositions de l’Article L. 480-7 (Cass. Crim., 18 mars 1986, n°85-92296).

Ainsi, nombre de juges octroyaient un délai d’exécution courant « à compter de la décision » de condamnation.

Or, si cette précision permettait au juge répressif d’épuiser sa compétence au regard de l’Article L. 480-7 du Code de l’urbanisme, elle ne levait pas toute ambiguïté sur le point de départ exact du délai d’exécution, et donc du jour à compter duquel commençait à courir l’astreinte, le cas échéant.

Une fois n’est pas coutume, c’est la Cour de cassation qui est venue préciser la notion.

La Haute Juridiction avait déjà jugé que lorsqu’il est fixé à compter de la décision, le délai imparti ne court nécessairement que quand cette décision passe en force de chose jugée (Cass. Crim., 28 avril 1997, n°96-81527 ; Cass. Crim., 7 avril 1999, n°98-81498).

Dans son arrêt du 8 novembre 2016, la Cour de cassation poursuit sa définition (Cass. Crim., 8 novembre 2016, n°15-86889).

En l’espèce, en suite de la transformation de leur maison en hôtel en méconnaissance des dispositions d’urbanisme, les Consorts X avaient été condamnés à la remise en état des lieux dans un délai de sept mois à compter de la décision, sous astreinte.

Les intéressés ne s’étant toujours pas exécutés au 3 janvier 2011, la Commune faisait procéder à la remise en état des lieux d’office, et le Préfet à la liquidation de l’astreinte.

Les prévenus ont alors saisi la Cour d’appel d’Aix-en-Provence d’une requête en incident d’exécution, que cette dernière rejetait par un arrêt du 20 octobre 2015.

C’est dans le cadre du pourvoi dirigé contre cet arrêt que la Cour de cassation apporte une précision utile s’agissant du délai imparti pour exécuter les mesures ordonnées en restitution des infractions d’urbanisme, lorsqu’il est fixé à compter de la décision.

La Cour de cassation précise que ce délai ne commence à courir qu’« à compter du jour où la décision, devenue définitive, est exécutoire ».

Commet, dès lors, une erreur de droit la Cour qui retient comme point de départ du délai d’exécution d’un arrêt d’appel la date de la décision de rejet du pourvoi, alors que cette dernière n’avait pas été régulièrement notifiée.

Une décision de rejet du pourvoi est en effet soumise à des modalités de notification particulières au titre de l’Article 617 du Code de procédure pénale ; la Cour de cassation considère qu’à défaut de cette notification, l’arrêt d’appel n’acquiert de caractère exécutoire qu’au jour où les prévenus ont connaissance du rejet de leur pourvoi, par tout moyen certain.

En l’espèce, à défaut de notification du rejet de leur pourvoi, ce n’est qu’à compter de la nouvelle décision de justice contradictoire rendue contre eux, et mentionnant le rejet de ce pourvoi, que les prévenus avaient acquis connaissance certaine de ce rejet, et que la décision d’appel était devenue exécutoire.

En retenant que le délai d’exécution des mesures de restitution avait commencé à courir, non à compter de cette date, mais à compter de la date de l’arrêt de rejet de leur pourvoi, la Cour d’appel a commis une erreur de droit, emportant la censure de sa décision par le juge de cassation.

Lorsqu’un prévenu est condamné à une mesure de restitution dans un délai fixé « à compter de la décision », il importe donc que la décision le condamnant lui ait été transmise dans les formes la rendant exécutoire, à peine pour le délai de ne commencer à courir à son encontre.

Il suffira, la plupart du temps, de l’expiration des délais de recours à compter du jour du prononcé du jugement contradictoire ou de l’arrêt.

Quelques cas particuliers peuvent toutefois être soulignés.

On rappellera, en premier lieu, les exceptions prévues aux Article 498, 498-1, 499 ou encore 568 du Code de procédure pénale, en application desquels seule la signification de la décision, le cas échéant à personne, est de nature à faire courir les délais de recours.

On notera, en second lieu, comme en l’espèce, les arrêts de rejet de demande en cassation, qui ne sont exécutoires qu’après leur notification dans les formes de l’Articles 617 du Code de procédure pénale, ou à défaut, qu’après leur connaissance certaine par les prévenus.

Les condamnés peuvent puiser dans ces modalités quelques jours ou semaines de répit avant de devoir s’exécuter.

On rappellera toutefois que certaines obligations de remise en état demeurent à devoir être exécutées immédiatement, et alors même que la décision les ordonnant serait frappée d’un appel ou d’un pourvoi.

Il s’agit du cas où l’injonction est assortie de l’exécution provisoire par le Tribunal, comme le lui permet l’Article L. 480-7 du Code de l’urbanisme ; il s’agit encore du cas où l’injonction n’a pas été prononcée en cause d’appel au titre de l’action publique, mais de l’action civile (Cass. Crim., 3 novembre 2009, n° 08-88178).

En ces cas, il n’est pas sursis à l’obligation de mise en conformité nonobstant l’appel ou le pourvoi, et il appartient aux condamnés de s’exécuter immédiatement, à peine de voir l’astreinte commencer à courir.

 

Immédiatement, les condamnés doivent encore s’exécuter complètement.

Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation rappelle en effet que l’astreinte ne cesse de courir qu’avec l’achèvement de la remise en état.

Il s’agit d’une jurisprudence constante (Cass. Crim., 23 novembre 1994, n°93-81605), et la simple obtention du permis de construire de régularisation ne saurait, à elle seule, valoir exécution de la décision (Cass. Crim., 7 novembre 1995, n°94-80953).

Les délinquants de l’urbanisme ne sauraient donc trop compter sur le temps avant lequel leur condamnation n’est pas définitive ; une fois la décision exécutoire et le délai enclenché, seule une exécution totale et souvent rapide sera de nature à leur éviter d’avoir à supporter l’astreinte.