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CollectivitésMarchés publics

MARCHE SANS DELAI : il ne faut pas exagérer !

Par Sandrine FIAT7 octobre 2014Pas de commentaires

Le silence d’un contrat sur le délai de réalisation d’un ouvrage ne permet pas la livraison au-delà d’un délai raisonnable.

C’est que vient de juger le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 04 juillet 2014.

Dans le silence d’un contrat sur le délai de réalisation d’un ouvrage, un contractant peut se prévaloir d’une mise à disposition dans un « délai raisonnable ».

Le Conseil d’Etat précise ainsi que « le silence du contrat sur la détermination du délai de réalisation d’un ouvrage ne peut être regardé comme permettant au maitre d’ouvrage de retarder pendant une durée indéfinie l’exécution de ses engagements ».

Par suite, le maitre d’œuvre peut utilement soutenir devant le Juge que l’ouvrage devait être mis à sa disposition dans un délai raisonnable.

Les faits de l’espèce étaient les suivants :

Une Chambre de Commerce et d’Industrie s’était engagée à assurer la maitrise d’ouvrage d’un bâtiment pour le compte d’une entreprise privée et ce dans le cadre de ses missions de développement économique et de l’emploi.

Ni le protocole d’accord passé entre la Chambre de Commerce et d’Industrie et la société requérante en vertu duquel la CCI assurait la maitrise d’ouvrage du bâtiment, ni aucun autre document ne permettaient de déterminer le délai de réalisation de l’ouvrage qui faisait l’objet de cet engagement.

La Chambre de Commerce et d’Industrie avait dès lors relevé qu’en l’absence de délai mis à sa charge, aucune demande indemnitaire ne pouvait prospérer à son encontre.

La société avait en effet demandé au Juge Administratif l’indemnisation des conséquences dommageables du délai « déraisonnable » de mise à disposition de l’ouvrage.

En cause d’appel, la Cour Administrative d’Appel de  DOUAI avait écarté ce moyen considérant « qu’en l’absence de mention d’un tel délai dans le contrat ou tout autre document contractuel, il n’était pas possible de déterminer les délais de réalisation de l’ouvrage et par suite de caractériser un droit à indemnisation de la société des conséquences dommageables du délai de mise à disposition de l’ouvrage« .

Le Conseil d’Etat a considéré que « le silence du protocole d’accord ne pouvait être regardé comme permettant à la CCI de retarder pendant une durée indéfinie l’exécution de l’engagement qu’elle avait contracté ».

Dès lors, cassant l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de DOUAI, le Conseil d’Etat considère que « le moyen soulevé par la société devant la Cour Administrative et tiré de ce que l’ouvrage devait être mis à sa disposition dans un délai raisonnable n’était pas inopérant ».

 

Le Conseil d’Etat a dès lors cassé la décision rendue par la Cour Administrative d’Appel  de LYON et renvoyé l’affaire devant la Cour Administrative d’Appel  de DOUAI pour qu’il soit statué sur les demandes indemnitaires de la société co-contractante de la CCI.

La Cour de Cassation s’était déjà prononcée en ce sens dans le cadre des marchés privés de travaux.

L’entrepreneur a l’obligation de livrer les travaux « dans un délai raisonnable » même si aucun délai d’exécution n’a été prévu (Cassation 3ème Chambre Civile 16 mars 2011 n°10-14.051).

La Cour de Cassation a ainsi précisé que « l’absence de stipulation dans le contrat d’un délai d’exécution autre qu’indicatif et d’une clause pénale fixant par anticipation les modalités d’indemnisation des éventuels retards d’exécution n’interdisait pas au maitre de l’ouvrage pour lequel ce « délai » avait constitué un élément déterminant de son contentement de poursuivre l’entrepreneur sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle dès lors que ce dernier, infructueusement mis en demeure, avait failli à l’obligation d’achever les travaux dans un délai raisonnable compte tenu de la nature des prestations qu’il s’était engagé à exécuter « 

(Cassation 3ème Chambre Civile 10 février 2009 n°07-21.656).

Ce courant jurisprudentiel s’inscrit dans le droit fil des décisions de jurisprudence rendues depuis plusieurs années consacrant le principe de loyauté des relations contractuelles. Ainsi, il est désormais de jurisprudence établie qu’eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, l’irrégularité invoquée par l’une des parties concernant la légalité d’une clause d’un contrat n’est pas forcément d’une gravité telle qu’il y ait lieu d’écarter l’implication du contrat.

Les effets du principe de loyauté contractuelle ont été posés par jurisprudence « Ville de BEZIERS » aux termes dans lesquels il n’est pas possible à l’une des parties de se libérer de ses obligations aux seuls motifs que le contrat serait affecté d’une illégalité (Conseil d’Etat Assemblée 28 décembre 2009 n°304802).

Dans un arrêt du 22 octobre 2012 n°348 676, le Conseil d’Etat censure ainsi une Cour d’Appel pour avoir annulé un titre exécutoire destiné à obtenir l’indemnité prévue par une clause stipulée au profit d’un Service Départemental d’Incendie dont le contrat passé avec lui par une Chambre de Commerce au motif que celle-ci constitue une libéralité et qu’elle avait été introduite dans une convention non transmise au contrôle de légalité préalablement à son exécution.

Le Juge du contrat saisi d’un recours quant à la décision de résilier un contrat ne peut ainsi ordonner la reprise des relations contractuelles dès lors que le contrat aurait pu faire l’objet d’une résiliation ou d’une annulation à l’occasion d’un recours en contestation de sa validité (Conseil d’Etat 1er octobre 2013 n°349 099).