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Administratif

Précisions sur l’effectivité du droit de se taire en matière disciplinaire

Par BENSMAINE Sophie6 juin 2025Pas de commentaires

Suite à son exclusion par la commission de discipline de l’établissement Nantes Universités, pour une durée de 9 mois, une étudiante se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du juge des référés du TA de Nantes, qui avait rejeté sa demande de suspension de cette décision.

Pour rappel, par une décision QPC du 8 décembre 2023  (n° 2023-1074 QPC), le Conseil constitutionnel a étendu le « droit de se taire » à toute procédure de sanction, et ce conformément à l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dont résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser.

Le Conseil d’Etat dans deux décisions du 19 décembre 2024 (n° 490157 et 490952) était venu préciser les modalités d’application de ce droit aux procédures disciplinaires de la fonction publique et des ordres professionnels.

Dans notre affaire, le Conseil d’Etat rappelle que :

« 6. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que l’usager d’une université faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les agissements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire. A ce titre, il doit être avisé, avant d’être entendu pour la première fois, qu’il dispose de ce droit pour l’ensemble de la procédure disciplinaire. »

Enfin, le Conseil d’Etat précise le champ d’application de ce droit :

« 7. Sauf détournement de procédure, le droit de se taire ne s’applique ni aux échanges ordinaires de l’usager avec les agents de l’université, ni aux enquêtes diligentées par le chef de l’établissement, quand bien même ceux-ci sont susceptibles de révéler des faits commis par l’usager de nature à justifier le prononcé d’une sanction disciplinaire. Dans le cas où l’usager d’une université, ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire selon la procédure prévue au code de l’éducation, n’a pas été informé du droit qu’il avait de se taire alors que cette information était requise, cette irrégularité n’est susceptible d’entraîner l’annulation de la sanction prononcée que lorsque, eu égard à la teneur des déclarations de l’usager et aux autres éléments fondant la sanction, il ressort des pièces du dossier que la sanction infligée repose de manière déterminante sur des propos tenus alors que l’intéressé n’avait pas été informé de ce droit. »

C’est donc par une application raisonnée du droit de se taire que le Conseil d’Etat conclut à l’annulation de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes et à la suspension de l’exécution de la décision de la commission de discipline de Nantes Université.

Référence : CE 9 mai 2025, n° 499277