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AdministratifDroit électoral

Annulation par le juge administratif des élections municipales de la Commune de CREST !

Par Sarah TISSOT29 octobre 2020Pas de commentaires

Maitre Sarah TISSOT, Avocate Associée au sein du cabinet CDMF AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES obtient l’annulation des élections municipales de la Commune de CREST devant le Tribunal administratif de Grenoble.

Les décisions se suivent et parfois se ressemblent.

Après avoir prononcé l’annulation des élections dans la commune de VIF, le Tribunal administratif de Grenoble prononce l’annulation des opérations électorales qui se sont déroulées en vue de l’élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de CREST, rejetant toutefois la demande tendant à voir déclarer Monsieur MARITON inéligible sur le fondement des dispositions de l’article L. 118-4 du code électoral.

A l’issue du vote électoral organisé le 15 mars et 28 juin 2020, la liste « Parce que nous aimons Crest » conduite par M. Hervé MARITON a obtenu 51,67% des suffrages exprimés, tandis que la liste « Ensemble réinventons Crest » emmenée par le requérant, M. HALTER, engrangeait 48,33% des voix.

En raison du faible écart de voix concrètement décompté entre les deux candidats (137 voix) et de l’identification de diverses violations des règles électorales (pressions sur les électeurs, actes de propagande tardive, système d’appel aux électeurs abstentionnistes le jour du vote, utilisation des moyens de la collectivité pour faire campagne, etc.), M. HALTER a formé un recours devant la juridiction administrative pour demander l’annulation des élections municipales.

Le juge concentre essentiellement son analyse sur quatre griefs, tous relatifs à l’organisation de campagnes de promotion publicitaire des réalisations de la Commune en violation des dispositions de l’article L. 52-1 du code électoral.

Pour mémoire, aux termes de ces dispositions, il est précisé qu’« à compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin ».

D’une première part, la juridiction administrative s’est émue de la hausse significative du budget participatif crée pour soutenir les initiatives locales. L’enveloppe consacrée à ce budget, qui représentait une somme de 50 000 euros les deux années précédentes, a connu un hause de 40% lors d’un vote qui s’est déroulé en décembre 2019, soit durant la période de campagne électorale. Le Tribunal a également regretté la communication institutionnelle réalisée autour de l’appel à projets qui s’est déroulée le 5 juin, autrement dit durant l’entre-deux tours alors que le programme avait débuté en avril, pour considérer que cette communication revêtait « une résonnance inhabituelle en période de campagne électorale ».

D’une deuxième part, le Tribunal a analysé l’opération consistant à offrir, à travers une tombola, des chèques cadeaux aux habitants de la commune valables auprès de commerçants locaux, organisée par la mairie durant la période de crise sanitaire, comme une campagne de promotion publicitaire d’envergure ; le juge estimant que « ces différentes actions de communication n’ont pas eu seulement pour effet de diffuser de simples informations, mais également de valoriser l’action de la Commune de Crest ».

D’une troisième part, l’organisation par la Commune, à l’issue de la période de confinement, de plusieurs séances de « ciné-drive » et de cinéma en plein air, pour la toute première fois, chacune des présentations étant précédée d’une prise de parole de M. MARITON, a amené le Tribunal administratif à indiquer qu’« à supposer même que les propos de l’intéressé se soient bornés à un contenu neutre sans référence à la campagne électorale, le caractère systématique de ses interventions, ainsi que le retentissement dont cette initiative a bénéficié […] doivent être regardés comme ayant concouru à promouvoir les réalisations de la ville durant la campagne électorale ».

D’une quatrième part et enfin, il est fait reproche au Maire une diffusion massive de vidéos par le biais du site de la Commune, ce, durant une courte durée précédant immédiatement les élections (« sur une période d’environ deux mois, vingt-et-une vidéos où il apparait personnellement ») ; ce moyen de communication, jamais utilisé auparavant, « confèr[ant] à ce procédé un caractère inédit tant par sa nature que par son ampleur ».

Au regard des éléments précités et sans analyser les autres griefs dénoncés à la protestation, le Tribunal administratif de Grenoble en a conclu que « l’ensemble des actions évoquées aux points 5 à 8, dont il n’appartient pas au juge de l’élection d’apprécier l’opportunité dans le contexte exceptionnel lié à l’épidémie de la covid-19, constituent, à raison de leur accumulation, de leur caractère inhabituel, répétitif pour certaines, ainsi que de la publicité qui leur a été donnée, une campagne de promotion publicitaire des réalisations et de la gestion de la ville prohibée […] » et que « compte tenu de l’écart de 137 voix ayant séparé les deux listes en présence au deuxième tour, cette campagne a été de nature à rompre l’égalité entre les candidats et à altérer la sincérité des résultats du scrutin ».

Il doit être relevé qu’en précisant qu’il « n’apparten[ait] pas au juge de l’élection d’apprécier l’opportunité [des actions menées] dans le contexte exceptionnel lié à l’épidémie de la covid-19 », le Tribunal a décidé, à rebours de son Rapporteur Public, de ne pas faire sienne l’analyse du défendeur selon laquelle les circonstances sanitaires exceptionnelles de l’entre deux tours étaient de nature à justifier de l’emploi d’actions de communication institutionnelle inédite dans ses modalités comme dans leur ampleur.

Il avait, sur ce point, été rappelé à l’audience et dans le cadre d’une note en délibéré qu’aucune disposition législative, réglementaire, ni aucun principe jurisprudentiel commandé par les circonstances sanitaires ne permettait de voir l’office de juge électoral modifier dans sa lecture et dans l’application des dispositions de l’article L. 52-1 alinéa 2 du code électoral.

Ce jugement est à présent susceptible d’appel devant le Conseil d’Etat mais, à ce stade, l’annulation des opérations électorales par la juridiction administrative devrait prochainement renvoyer aux urnes les habitants de la commune de Crest.

TA Grenoble, 16 octobre 2020, n° 2003565.