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Fonction publique

Fonction publique : quelles « transformations » ?

Par Sarah TISSOT6 décembre 2019Pas de commentaires

La loi de transformation de la fonction publique a été publiée le 6 août dernier. Les modifications du statut de la fonction publique sont souvent révélatrices d’une certaine vision de l’action publique. Au-delà des éléments de langage gouvernementaux, panorama de ces « transformations ».

Plusieurs dispositions du texte sont déjà entrées en vigueur : harmonisation du temps de travail avec le secteur privé, dispositif de « service minimum » en cas de grève dans la fonction publique territoriale, règles applicables aux fonctionnaires momentanément privés d’emploi, harmonisation des sanctions disciplinaires dans les trois fonctions publiques, suppression des conseils de discipline de recours, suppression du jour de carence pour maladie pour les femmes enceintes et maintien du régime indemnitaire des agents territoriaux lors des congés de maternité, de paternité ou d’adoption.

Les autres dispositions entreront en vigueur, pour l’essentiel, au 1er janvier 2020 : réduction du champ de compétence des commissions administratives paritaires (CAP), recours élargi au contrat, rupture conventionnelle, congé proche-aidant ou encore l’ensemble des leviers permettant de supprimer les écarts de rémunération et de carrière entre les femmes et les hommes.
La loi de transformation de la fonction publique confirme ainsi une tendance à la technicité, voire à la « logorrhée » législative alors que, dans le même temps, aucun décret n’a, à ce jour, été publié (neuf projets ont néanmoins été soumis au Conseil commun de la fonction publique).

Sans exhaustivité et au-delà de la tonitruante rupture conventionnelle (pour les contractuels et, à titre expérimental pendant six ans, pour les fonctionnaires), quelques grandes mutations sont susceptibles d’être identifiées.

POSSIBILITÉ DE RECRUTER DES CONTRACTUELS.

La loi de transformation de la fonction publique élargit très sensiblement les possibilités de recours au contrat dans toutes les catégories d’emplois des trois fonctions publiques.

Elle ouvre, tout d’abord, les possibilités de recrutement d’agents non titulaires sur des emplois permanents à temps partiel dans la fonction publique hospitalière, mais également dans la fonction publique territoriale et pour les trois catégories, sur tout type d’emploi permanent dès lors que les besoins du service ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu’aucun fonctionnaire n’ait pu être recruté.

Elle élargit, ensuite, les possibilités de recrutement d’agents non titulaires sur des emplois de direction en en ouvrant le principe au sein de la fonction publique d’État, en en abaissant les seuils de recrutement dans la fonction publique territoriale (emplois de directeur général des services, directeur général adjoint et directeur des services techniques) et en en ouvrant la voie pour les « emplois supérieurs hospitaliers » dans la fonction publique hospitalière.

Enfin, la loi crée un nouveau contrat, le contrat de projet, qui permet aux autorités de nomination des trois fonctions publiques, pour mener à bien un projet ou une opération identifiée, de recruter un agent non titulaire par contrat à durée déterminée dont l’échéance est la réalisation du projet ou de l’opération. Ce dispositif n’a pas manqué de faire polémique lors des débats parlementaires en raison du risque d’abus pouvant résulter d’une appréciation extensive de la notion de « projet » ou « d’opération », pour être applicable aux trois catégories et pour le choix de sa durée maximale de six ans, alignée sur la durée de « CDIation » des contrats à durée déterminée « de droit commun ».

Ainsi, si le principe du fonctionnariat demeure, l’avis consultatif du Conseil d’État sur le projet de loi a souligné l’impact probable d’un accroissement sensible du nombre d’agents contractuels sur le déroulement de carrière des titulaires et sur la coexistence de ces deux catégories d’agents désormais en concurrence pour l’accès aux emplois de direction.

GESTION DES SITUATIONS INDIVIDUELLES.

La loi procède à une réduction substantielle du champ d’intervention des CAP pour n’être à terme plus consultées sur les mesures liées à la mobilité et aux mutations (fonctions publiques d’État et territoriale) et à l’avancement et à la promotion (dans les trois fonctions publiques). La loi prévoit de nouvelles garanties « en compensation » lesquelles ont vocation à modifier le management des collectivités publiques et, par effet induit, l’office du juge administratif.

Les autorités de nomination auront, notamment, à élaborer, après avis du comité social, des lignes directrices de gestion fixant les orientations générales et les grandes priorités en matière de mobilité, de promotion et de valorisation des parcours professionnels. Le Conseil d’État en a rappelé le cadre tracé par sa jurisprudence Crédit foncier de France du 11 décembre 1970 pour les définir comme des orientations dépourvues de caractère réglementaire, dans lesquelles s’exerce le pouvoir d’appréciation de l’administration, laquelle peut toujours s’en écarter en fonction des circonstances ou pour un motif d’intérêt général et rappeler qu’elles sont invocables devant le juge, qu’il s’agisse pour la personne concernée de se prévaloir de leurs orientations ou, le cas échéant, d’exciper de leur illégalité. En lieu et place du contrôle de l’existence d’un avis préalable de la CAP, le juge administratif aura donc dorénavant à contrôler la légalité des lignes directrices, la compatibilité ou conformité de la décision individuelle avec ses orientations ou encore les éventuels motifs avancés par l’administration pour s’en écarter en considération des circonstances ou pour un motif d’intérêt général.

Au titre des garanties, un décret d’application pourrait prochainement annoncer la création d’un recours administratif préalable obligatoire aux mesures liées à la mobilité, aux mutations, à l’avancement et la promotion, lequel pourrait « rétablir » (à cette occasion seule) l’avis préalable de la CAP.

« SERVICE MINIMUM NÉGOCIÉ ».

L’article 7-2 de la loi du 26 janvier 1984 prévoit dorénavant la possibilité d’organiser un « service minimum » au sein de services limitativement énumérés (collecte et traitement des déchets des ménages, transport public de personnes, aide aux personnes âgées et handicapées, accueil des enfants de moins de trois ans, accueil périscolaire, restauration collective et scolaire) et dont l’interruption contreviendrait au respect de l’ordre public, à la salubrité publique ou aux besoins essentiels des usagers de ces services.

Son effectivité commande, toutefois, que ses modalités aient été préalablement décidées via la conclusion d’un accord négocié avec les organisations syndicales représentatives, approuvé par l’assemblée délibérante. À défaut de conclusion d’un tel accord dans un délai de douze mois après le début des négociations, les modalités d’organisation du « service minimum » pourront néanmoins être déterminées (seule) par la collectivité et par délibération.

Dans ce cadre, pour les seuls services et les seuls agents concernés, il sera dorénavant prescrit une obligation de déclarer son intention de participer à la grève (48 heures avant) et d’informer de sa reprise anticipée ou de son désistement (24 heures avant), ce, sous peine de sanctions disciplinaires.

Article publié dans les affiches. Retrouvez le lien ici : https://www.affiches.fr/infos/droit-et-chiffre/fonction-publique%e2%80%89-quelles-%e2%80%aftransformations%e2%80%af%e2%80%89/