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Domaine publicNon classé

Le mur de soutènement de la voie publique, propriété d’une personne privée, peut-il être qualifié d’ouvrage public ?

Par Manon LEROY3 septembre 2025Pas de commentaires

M. et Mme C. sont propriétaires d’un ensemble de parcelles situées en contrebas d’une voie communale et séparées d’elle par un mur édifié au début du XXème siècle.

A la suite de l’effondrement d’une partie du mur et de l’affaissement de la voie, le maire de la commune a pris un arrêté mettant en demeure M. et Mme C. de remédier à la menace d’effondrement du mur en réalisant les travaux nécessaires à son confortement.

Face à l’inexécution de son arrêté, le maire, après avoir mis en demeure M. et Mme C. de libérer l’accès à leur propriété, a finalement réalisé d’office, et à leurs frais, les travaux de confortement du mur pour un montant total de près de 340 000 euros.

Alors que M. et Mme C. avaient en vain depuis 2017 tenté par diverses autres voies de droit de faire valoir que l’entretien du mur de soutènement de la voirie publique ne leur incombait pas, le tribunal administratif de VERSAILLES a fait droit à leur demande d’annulation de la lettre par laquelle le maire leur avait demandé de libérer l’accès à leur propriété ainsi que des titres exécutoires correspondants aux travaux exécutés d’office.

Le jugement rendu a toutefois été annulé par la cour administrative d’appel de VERSAILLES.

Cette affaire, dont a été saisi le Conseil d’Etat, pose la question de la possibilité de mettre en œuvre une procédure de péril à l’encontre du propriétaire d’un mur exerçant une fonction de soutènement de la voie publique.

Alors que la juridiction de première instance avait retenu comme déterminant le critère fonctionnel pour la qualification d’ouvrage public la cour administrative d’appel a censuré le raisonnement adopté par le tribunal en retenant comme décisif le critère organique.

A cet effet, rappelons qu’un ouvrage public, s’il n’est pas défini par la loi, peut-être caractérisé par le recours à trois critères :

  • seul un bien immobilier est susceptible de recevoir la qualification d’ouvrage public ;
  • ce bien immobilier doit résulter d’un aménagement ;
  • il doit être affecté à l’utilité publique.

La notion d’ouvrage public ne se confond ainsi pas avec celle de domaine public, la propriété publique n’étant pas une condition de la qualité d’ouvrage public.

Au cas d’espèce, le tribunal administratif, après avoir retenu que le mur litigieux, bien que propriété privée des époux C, ne répondait qu’à une fonction de soutènement de la voie communale, en a déduit que le mur entretenait avec la voie communale un lien physique et fonctionnel de sorte qu’il devait être considéré comme un accessoire indispensable de celle-ci et présentait ainsi le caractère d’un ouvrage public. Ce faisant, la commune étant tenue d’assurer les dépenses d’entretien des voies communales, le tribunal en concluait que celle-ci n’était pas fondée à mettre en œuvre la procédure de péril imminent ni à faire supporter le coût des travaux d’entretien et de réfection du mur sur les propriétaires privés.

Pour sa part, la cour administrative d’appel, après avoir relevé la propriété privée du mur litigieux, a estimé que celui-ci ne pouvait constituer l’accessoire de la voie publique ni présenter le caractère d’un ouvrage public et en a donc conclu que le maire n’avait pas commis d’erreur de droit en mettant en demeure M. et Mme C., en leur qualité de propriétaires du mur, de remédier à la menace de son effondrement.

Ce faisant, la cour a toutefois opéré une confusion entre ouvrage public et domaine public qui a motivé l’annulation de l’arrêt ainsi rendu.

En effet, par une décision du 3 juillet 2025, le Conseil d’Etat a jugé que : « La circonstance qu’un ouvrage n’appartienne pas à une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse être regardé comme un ouvrage public s’il présente, avec un ouvrage public, un lien physique ou fonctionnel tel qu’il doive être regardé comme un accessoire indispensable de celui-ci ».

Dès lors, il en conclut que : « la cour administrative d’appel de Versailles, qui a souverainement constaté que le mur leur appartenait, a déduit de cette circonstance que le mur ne saurait être regardé comme un ouvrage public. En statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit. »

Par suite, le Conseil d’Etat annule l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de VERSAILLES et renvoi l’affaire devant cette même cour qui devra tirer les conséquences de cette décision s’agissant de la possibilité de mettre en œuvre une procédure de péril en présence de l’accessoire d’un ouvrage public dont l’entretien incombe à la commune.

Affaire à suivre donc.

Référence : CE, 3 juillet 2025, n°494622