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Dans un Arrêt en date du 8 juin 2016, le Conseil d’Etat applique très strictement l’article L.111-3 du Code Rural et de la Pêche Maritime en considérant que l’application différée des règles de distance bénéficie aux seuls exploitants.

Les circonstances du litige étaient les suivantes : deux permis de construire avaient été délivrés pour la réalisation de deux maisons d’habitation à 50 mètres des bâtiments d’élevage de bovins de l’agriculteur qui avait contesté la légalité de ces permis.

Le Tribunal Administratif de PAU, comme la Cour Administrative d’Appel  de BORDEAUX avaient confirmé l’illégalité de ces permis qui ne respectaient l’exigence d’éloignement de 100 mètres entre les bâtiments d’élevage et les habitations des tiers qui étaient imposées par un arrêté du 7 février 2005. L’Etat avait contesté ces décisions aux motifs que ce même arrêté du 7 février 2005 prévoyait que la règle d’éloignement serait applicable aux installations agricoles existantes le 31 décembre 2010 au plus tard. Il était ainsi considéré que la distance ne pouvait être opposable aux tiers à la date de délivrance des autorisations d’urbanisme contestées, soit en 2008, car l’arrêté de 2005 avait prévu l’application différée du dispositif au plus tard le 31 décembre 2010 s’agissant des installations d’élevage existantes. Fallait-il dès lors dispenser les permis de construire des maisons accordés avant le 31 décembre 2010 du respect des règles de distance ?

Le Conseil d’Etat va appliquer strictement l’article L.111-3 du Code Rural et de la Pêche Maritime en considérant que l’éloignement imposé aux bâtiments d’élevage est immédiatement opposable aux tiers quels que soient les aménagements dont ont pu bénéficier les exploitants pour s’y soumettre.

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Ce raisonnement s’inscrit dans une certaine logique de salubrité publique inscrite d’ailleurs dans le  Code Rural et de la Pêche Maritime.

En effet, l’article L.111-3 du Code Rural et de la Pêche Maritime dispose que : « Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l’implantation ou l’extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d’éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l’exception des extensions de constructions existantes. »

L’article 2.1.1 de l’annexe I de l’arrêté du 7 février 2005 disposait que les bâtiments d’élevage et leurs annexes devaient être implantés à au-moins 100 mètres des habitations des tiers.

Le fait que son article 2 prévoit une application différée dans le temps jusqu’au 31 décembre 2010, n’a vocation à s’appliquer qu’aux constructions à usage agricole et non aux constructions à  usage d’habitation.

Le Conseil d’Etat justifie cette asymétrie de traitement par le fait que : « eu égard à l’objet des dispositions précitées de l’article L.111-3 du Code Rural et de la Pêche Maritime, notamment du parallélisme qu’elles établissent entre les exigences qui pèsent sur l’implantation ou l’extension des bâtiments agricoles et sur les nouvelles constructions à usage non agricole, la circonstance que les dispositions de l’arrêté du 7 février 2005 prévoient, pour les bâtiments d’élevage existants, une application différée des règles de distance est sans incidence sur les conditions d’application, en vertu des dispositions précitées de l’article L.111-3 du Code Rural et de la Pêche Maritime, des règles de distance aux nouvelles constructions à usage non agricole ; que, dès lors, c’est sans erreur de droit que la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a fait application, à la date à laquelle les permis de construire ont été accordés aux époux A. de l’exigence d’éloignement de 100 mètres posée par l’arrêté du 7 février 2005 et a jugé que les constructions litigieuses ne respectaient pas les dispositions combinées de l’article L.111-3 du Code Rural et de la Pêche Maritime et de cet arrêté« .

Cette décision met un terme aux hésitations ministérielles puisque ce litige avait mis en exergue une divergence d’opinions entre le ministre chargé de l’écologie et le ministre chargé du logement. L’alignement imposé aux bâtiments d’élevage est donc immédiatement opposable aux tiers, quels que soient les aménagements dont ont pu bénéficier les exploitants, notamment en terme de délai pour s’y soumettre. Cette décision met également un terme aux atermoiements jurisprudentiels. Le principe est désormais que l’application différée de la distance minimum ne fait pas obstacle à une opposabilité  immédiate de la règle à tout projet de construction d’un bâtiment non agricole.