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Administratif

Indemnisation du manque à gagner du concurrent irrégulièrement évincé

Par Manon LEROY19 janvier 2024Pas de commentaires

CE, 28 novembre 2023, n° 468867

Dans cette affaire, une société admise à négocier avait finalement été évincée de l’attribution du marché. Elle sollicitait alors auprès du Tribunal l’annulation du contrat ainsi que l’indemnisation de son préjudice ; demande qui avait été rejetée par le Tribunal administratif.

Saisie en appel par la société, la Cour administrative d’appel de Marseille a confirmé le raisonnement de la première juridiction suivant lequel le recours en contestation de validité du contrat était tardif. Elle a, en revanche, jugé que la procédure avait été entachée d’une irrégularité et que la société requérante avait perdu une chance sérieuse d’obtenir le contrat. Elle a ainsi condamné la commune à indemniser cette société de son manque à gagner et de son préjudice moral.

Saisi du pourvoi de la Commune, le Conseil d’Etat commence par rappeler que :

« Lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l’absence de toute chance, il n’a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, qui inclut nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre ».

Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat relève que, pour juger que la société avait droit à être indemnisée de son manque à gagner causé par son éviction irrégulière du contrat, la Cour s’est fondée sur la seule circonstance qu’il ne résultait pas de l’instruction que l’offre finale de cette société aurait eu une valeur inférieure à celles des trois autres candidats admis à négocier.

Plus précisément la Cour avait considéré qu’elle ne pouvait « identifier une différence qualitative notable entre l’offre de la [société] et celle des autres candidats admis à négocier » et qu’il ne résultait pas de l’instruction que « cette offre aurait eu une valeur inférieure à celle des autres candidats ou présenterait une insuffisance notable ».

La Haute juridiction censure toutefois cette position en précisant qu’il appartient au juge d’apprécier si, en l’absence de faute de la commune, la société aurait eu « des chances sérieuses d’emporter le contrat au contraire de tous les autres candidats ». Autrement dit, et pour résumer, trois hypothèses sont à distinguer :

  1. En l’absence de toute chance de remporter le contrat, le candidat évincé n’a droit à aucune indemnité ;
  2. Si le candidat n’était pas dépourvu de toute chance de remporter le contrat, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre ;
  3. Si le candidat avait des chances sérieuses de remporter le contrat, il a droit d’être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement les frais de présentation de l’offre. Dans ce dernier cas, il appartient au concurrent évincé de démontrer qu’il aurait eu plus de chance que les autres d’être déclaré attributaire pour qu’il puisse prétendre à l’indemnisation de son manque à gagner.