Dans cette affaire, un contrat de gestion a été conclu entre la communauté d’agglomération PROVENCE ALPES AGGLOMERATION et l’Association GESTION DU CINEMATOGRAPHE, portant sur l’exploitation, par cette dernière, d’un complexe cinématographique. La société CINE ESPACE EVASION, seule autre candidate à l’obtention de ce contrat de concession, a vu son offre rejetée.
C’est dans ce contexte que cette dernière a saisi le Tribunal Administratif de Marseille d’une demande tendant à l’annulation du contrat. Elle dénonçait ici une éviction irrégulière, estimant que, si son offre ne comportait aucune irrégularité, tel n’était pas le cas de celle de sa concurrente, dont l’offre initiale était irrégulière. Dès lors, la société estimait qu’un soumissionnaire choisi ne pouvait pas négocier avec l’autorité concédante, dans le cas où son offre était empreinte d’irrégularité.
Si le Tribunal Administratif lui donne raison, la Cour Administrative d’Appel de Marseille va, quant à elle, annuler le jugement de première instance, conduisant ainsi la société à se pourvoir en cassation. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat devait répondre à la question suivante : le candidat à une concession, ayant remis une offre initialement irrégulière, peut-il se voir admis à la négociation et, le cas échéant, obtenir la conclusion du contrat de concession ?
Que dit le droit ?
Au regard des articles du Code de la commande publique, l’autorité concédante est libre dans l’organisation de la publicité et de la mise en concurrence, amenant au choix du concessionnaire (art L.3121-1 CCP). Cette liberté s’applique également lorsqu’elle décide de recourir à la négociation, qu’elle peut organiser à sa guise avec un ou plusieurs soumissionnaires (art L.3124-1 CCP).
Toutefois, bien que le code rejette la possibilité qu’une offre irrégulière ou inappropriée ne soit pas rejetée par l’autorité concédante, avant de définir à l’article suivant ce terme d’offre irrégulière (art L.3124-2 et L.3124-3 CCP), rien n’est dit quant à la possibilité pour un candidat de régulariser son offre durant la négociation. Une situation qui contraste avec les dispositions portant sur les marchés publics, puisque l’article R. 2152-2 CPP autorise les soumissionnaires à régulariser leurs offres dans un délai approprié (en ce sens : CE, 30 novembre 2011, Ministre de la Défense et des Anciens Combattants C/ EURL Qualitech, n°353121).
Que dit le Conseil d’Etat ?
Dans un arrêt du 30 décembre 2024, le Conseil d’Etat, en reconnaissant la possibilité pour un candidat de régulariser son offre au cours de la négociation :
3. Il résulte de ces dispositions que l’autorité concédante peut librement négocier avec les candidats à l’attribution d’une concession l’ensemble des éléments composant leur offre, dès lors que cette négociation ne conduit pas cette autorité à remettre en cause l’objet de la concession, les critères d’attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation. Ces dispositions ne s’opposent pas à ce que, lorsqu’elle recourt à la négociation, l’autorité concédante y admette un soumissionnaire ayant remis une offre initiale irrégulière. Le respect du principe d’égalité de traitement des candidats implique toutefois qu’elle ne puisse retenir un candidat dont la régularisation de l’offre se traduirait par la présentation de ce qui constituerait une offre entièrement nouvelle. En tout état de cause, l’autorité concédante est tenue de rejeter les offres qui sont demeurées irrégulières à l’issue de la négociation.
Il faut toutefois observer que, malgré cette reconnaissance, la Haute juridiction impose une limite : même si l’offre se trouve régularisée à l’issue de la négociation, elle ne doit pas apparaitre comme étant « entièrement nouvelle ». Autrement dit, la substance de l’offre, bien que grandement modifié, doit garder une similitude avec ce qu’elle était initialement.
Cette limite, déjà posée par le Code de la commande publique en matière de marchés publics à l’article R.2152-2 alinéa 2 (« la régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d’en modifier des caractéristiques substantielles » – une formulation se voulant plus étréci), permet de respecter le principe d’égalité de traitement des candidats.
Cet arrêt du Conseil d’Etat vient ainsi combler un vide qui perdurait dans le domaine de la passation des contrats de concession en procédant à une convergence avec les règles applicables au marchés publics tout en les adaptant à la logique plus libérale des contrats de concession.
Désormais, la régularisation des offres pendant la négociation est expressément admise, à condition que l’offre régularisée ne constitue pas une nouvelle offre.
