Skip to main content
Urbanisme

La qualité de voisin immédiat constitue une présomption réfragable pour prouver l’intérêt à agir en droit de l’urbanisme

Par Emma SANSIQUET3 avril 2024Pas de commentaires

Référence : Conseil d’État, 5ème chambre, 19/01/2024, 469266, Inédit au recueil Lebon

Dans cet arrêt récent, le Conseil d’Etat vient d’abord rappeler la jurisprudence admise en matière de démonstration de l’intérêt à agir pour la contestation d’une autorisation d’urbanisme :

« Il résulte de ces dispositions qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction. » (Conseil d’État, 1ère – 6ème chambres réunies, 13/04/2016, 389798, Publié au recueil Lebon)

Les juges du Conseil d’Etat viennent ensuite censurer pour erreur de droit le raisonnement tenu par la Cour administrative d’appel de Marseille puisque cette dernière avait, pour admettre l’intérêt à agir des requérants, retenu leur seule qualité de voisins immédiats au projet contesté et l’existence d’un litige relatif à un bornage judiciaire.

Or, pour les juges de la Haute-Juridiction, ces prétentions étaient insuffisantes :

« (…) il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond (…) que les intéressés se sont bornés à faire état de la proximité immédiate de leur propriété avec celle du projet, ainsi que de l’existence d’un litige de bornage avec leur voisin. En se fondant, ainsi, d’une part, sur un litige judiciaire sans lien avec la nature, l’importance ou la localisation du projet de construction, et, d’autre part, sur des éléments relatifs aux conditions de jouissance de leur bien par M. et Mme A… dont les intéressés ne faisaient nullement état dans leurs écritures, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit. Par suite, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la SARL société de développement rural est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. »

Réglant l’affaire au fond, les magistrats du Conseil d’Etat font l’analyse de l’intérêt à agir des requérants et ajoutent, en outre des motifs retenus pour censurer l’arrêt de la Cour administrative d’appel, que :

« Par ailleurs, la commune de Nîmes a soutenu, sans être contredite, que le projet, objet du permis de construire, n’est pas susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leur bien par M. et Mme A…, compte tenu notamment des protections végétalisées séparant les deux terrains. Par suite, la SARL société de développement rural et la commune de Nîmes sont fondées à soutenir qu’au regard des dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, M. et Mme A… ne justifient pas d’un intérêt leur donnant qualité pour contester le permis de construire accordé par le maire de Nîmes. »

En définitive, contrairement aux idées reçues, la seule qualité de voisins immédiats à un projet, sans que cette circonstance ne soit accompagnée de la démonstration de l’impact dudit projet sur le bien des requérants, n’est pas suffisante pour faire admettre leur intérêt à agir.

Dans le cas d’espèce, les juges ont également retenu l’existence de « protections végétalisées séparant les deux terrains », circonstance de nature à écarter l’intérêt à agir des requérants.

L’appréciation du juge se fait donc au cas par cas, selon les démonstrations qui lui sont soumises. Il n’existe donc aucun lien automatique entre la qualité de « voisin immédiat » et l’admission de l’« intérêt à agir » !