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CollectivitésFonction publique

AGENTS CONTRACTUELS DE L’ETAT : LES APPORTS DU DECRET DU 3/11/2014

Par Sandrine FIAT24 mars 2015Pas de commentaires

Si l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pose en principe que les emplois civils permanents, notamment, de l’État et de ses établissements publics à caractère administratif, sont occupés par des fonctionnaires, la possibilité de recourir à des agents contractuels a été admise dès l’origine.

Bien que prévu à titre exceptionnel et dérogatoire, le recrutement d’agents non titulaires a connu un tel succès que le législateur a été contraint d’intervenir pour encadrer et renforcer la place et les droits de ces agents.

Sous l’impulsion du droit communautaire, la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 a par exemple introduit la notion de contrat à durée indéterminée dans le droit de la fonction publique ; la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 est allée au-delà, en particulier en élargissant les facultés de recrutement de contractuels sur des emplois permanents et en consacrant à titre expérimental le recrutement direct d’agents contractuels à durée indéterminée.

L’article 49 de la loi du 12 mars 2012 a par ailleurs renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de prévoir les motifs de licenciement, les obligations de reclassement et les règles de procédure applicables en cas de fin de contrat pour les agents non titulaires recrutés en application du titre I.

 En parallèle, la jurisprudence administrative s’est naturellement saisie de la question du renforcement du statut des non titulaires au profit desquels elle a étendu, avec constance, plusieurs garanties acquises aux fonctionnaires.

Le décret n° 2014-1318 du 3 novembre 2014, pris en application de l’article 49 de la loi du 12 mars 2012 précité, et qui modifie le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, participe pleinement de ce mouvement à l’égard des agents contractuels de l’État et de ses établissements.

Sommairement, ce décret introduit de nouveaux motifs pour le licenciement des agents contractuels de l’État et de ses établissements, organise les obligations de reclassement concernant ces agents et les règles de procédure applicables en cas de fin de contrat ; le décret du 3 novembre 2014 aborde en outre la durée de la période d’essai et la rémunération des contractuels.

 Plus précisément, le décret prévoit la modulation de la durée initiale de la période d’essai en fonction de la durée du contrat conclu, la période d’essai pouvant être renouvelée une fois pour une durée au plus égale à sa durée initiale ; la période d’essai et la possibilité de la renouveler sont expressément stipulées dans le contrat ou l’engagement (article 9 du décret n° 86-83 modifié).

Sur la rémunération, le décret prévoit la fixation du montant de la rémunération par l’autorité administrative en prenant en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l’agent ainsi que son expérience ; de plus, la rémunération des agents, qu’ils soient employés à durée indéterminée ou recrutés sur contrat à durée déterminée auprès du même employeur, en application des articles 4 et 6 de la loi du 11 janvier 1984, fait l’objet d’une réévaluation, au moins tous les trois ans, notamment au vu des résultats d’entretiens professionnels (article 1-3 du décret n° 86-83 modifié).

Concernant le licenciement des agents contractuels recrutés pour répondre à un besoin permanent, en plus des motifs de licenciement préexistants pour faute disciplinaire, pour insuffisance professionnelle ou pour inaptitude physique, le décret considéré a introduit les nouveaux motifs de licenciement suivants :

 1° la suppression du besoin ou de l’emploi qui a justifié le recrutement de l’agent,

2° la transformation du besoin ou de l’emploi qui a justifié le recrutement, lorsque l’adaptation de l’agent au nouveau besoin n’est pas possible,

3° le recrutement d’un fonctionnaire, lorsqu’il s’agit de pourvoir un emploi soumis à la règle énoncée à l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983,

4° le refus par l’agent d’une modification d’un élément substantiel du contrat,

5° l’impossibilité de réemploi de l’agent à l’issue d’un congé sans rémunération (article 45-3 du décret n° 86-83 modifié).

 Le licenciement en cours ou au terme de la période d’essai ne peut intervenir qu’à l’issue d’un entretien préalable, aucune durée de préavis n’étant requise dans une telle hypothèse ; la décision de licenciement est notifiée à l’intéressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.

 Les nouvelles règles applicables à la fin du contrat et à la procédure de licenciement offrent de meilleurs garanties à l’agent non renouvelé ou congédié.

 En particulier, lorsque le contrat est susceptible d’être reconduit pour une durée indéterminée ou lorsque la durée du contrat ou de l’ensemble des contrats conclus pour répondre à un besoin permanent est supérieure ou égale à trois ans, la décision de ne pas renouveler l’engagement doit être précédée d’un entretien (article 45 du décret n° 86-83 modifié).

 Lorsque l’administration envisage de licencier un agent pour l’un des nouveaux motifs précédemment énoncés aux 1° à 4° de l’article 45-3 du décret n° 86-83 modifié, elle convoque l’intéressé à un entretien préalable ; à l’issue de la consultation de la commission consultative paritaire, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge (article 45-5 du décret n° 86-83 modifié).

 Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis ; elle invite également l’intéressé à présenter une demande écrite de reclassement (idem).

 À propos de reclassement, l’une des garanties majeures apportées par le décret du 3 novembre 2014 au statut des agents contractuels de l’État et de ses établissements, est la consécration d’une obligation de reclassement de ces agents dans les services relevant de l’autorité qui a recruté l’agent, notamment en cas de licenciement pour l’un des nouveaux motifs précédemment énoncés aux 1° à 4° de l’article 45-3 du décret n° 86-83 modifié ; dans cette dernière hypothèse, le reclassement concerne les agents recrutés pour des besoins permanents par contrat à durée indéterminée ou par contrat à durée déterminée lorsque le terme de celui-ci est postérieur à la date à laquelle la demande de reclassement est formulée, et s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie hiérarchique ou à défaut, et sous réserve de l’accord exprès de l’agent, d’un emploi relevant d’une catégorie inférieure (idem).

 L’obligation de reclassement pèse également sur l’autorité administrative pour le licenciement d’un agent médicalement reconnu définitivement inapte physiquement à occuper son emploi à l’issue d’un congé de maladie, de grave maladie, d’accident du travail, de maladie professionnelle ou de maternité, de paternité ou d’adoption ; ce reclassement concerne là encore les agents recrutés pour des besoins permanents par contrat à durée indéterminée ou par contrat à durée déterminée lorsque le terme de celui-ci est postérieur à la date à laquelle la demande de reclassement est formulée (article 17 du décret n° 86-83 modifié).

 Ces nouvelles règles applicables au licenciement et à la procédure de fin de contrat, ainsi que les obligations de reclassement, sont applicables aux procédures engagées postérieurement à la publication du décret du 3 novembre 2014.

 Quelques mois avant la publication de ce décret, et dans l’attente justement de l’intervention du pouvoir réglementaire prévue par l’article 49 de la loi n° 2012-347 précité, le Conseil d’État avait déjà imposé à l’administration le reclassement des agents recrutés pour une durée indéterminée, aux termes d’un avis « SADLON » rendu le 25 septembre 2013 sous le n° 365139, et ce, en vertu d’un principe général du droit dégagé à cette occasion par la juridiction ; le Conseil d’État a exactement considéré qu’il résulte d’un principe général du droit, « dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l’emploi est supprimé que les règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l’emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu’il incombe à l’administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d’un agent contractuel recruté en vertu d’un contrat à durée indéterminée pour affecter un fonctionnaire sur l’emploi correspondant, de chercher à reclasser l’intéressé ».

Assurément, la contractualisation de la fonction publique, en particulier, sa « CDIsation », est un phénomène pleinement intégré et assumé au cœur d’un système intrinsèquement « de carrière ».